Mastodon : votre réseau social, ce sont vos mentions

J'ai utilisé honk, honnêtement, jusqu'au moment où des Terfs ont repéré mon compte et où je me suis rendu compte que je ne pouvais pas les bloquer. Je n'ai aucun désir d'être lue par ces personnes, je me suis très vite rendu compte qu'elles avaient conscience de ce qu'elles faisaient, qu'elles y prenaient du plaisir, et que les éduquer était tout simplement hors de propos. J'ai déjà hébergé un pervers narcissique et je sais qu'il est inutile de tenter d'éduquer ou de faire éprouver de l'empathie à quelqu'un qui, pour les mêmes raisons, veut simplement prendre du plaisir en détruisant autrui : ielle tentera simplement de s'en servir contre vous, et c'est ce que ces personnes ont fait lors d'un échange d'environ une heure. Bref, j'ai supprimé mon serveur.

Mais c'était une expérience intéressante car je ne pouvais littéralement pas voir les favs, les partages, et les nouveaux·elles abonné·es. Le développeur, Ted Unangst, dit qu'il considère les abonné·es comme une distraction, et qu'il laisse à autrui la liberté et la responsabilité de s'abonner ou/et de se désabonner comme ielle le souhaite.

J'ai donc maintenu un journal sur Gemini, et… les gens le lisent, en réalité, pourvu qu'ielles en entendent parler (d'où l'intérêt de mon microblog, à ce moment-là). Au total, une dizaine de personnes environ a répondu à mes billets de blog, souvent avec intérêt, parfois avec agacement ; cette expérience a été très instructive sur ce que j'appelle les notifications parasites (par simple référence à la qualité d'un bruit de fond sur un signal électrique, que l'on nomme « parasite ») : premièrement car faute de mieux, il est facile de prendre des favs et des partages pour son réseau social. On ne se construit pas un réseau social avec des messages de 500 caractères.

En particulier, c'est avec honk que je me suis rendu compte qu'un message de microblog idéal était agréable, léger, immédiatement compréhensible et oubliable sans conséquences pour l'avenir. Ces messages sont mis bout-à-bout en une délicieuse expérience, sorte de bonbon sans diabète et dont la consommation se confond en réalité avec celle, « destruction par l'usage », du temps qu'il nous reste sur Terre. Ce qui correspond, dans mon cas, à huit années de perdues.

Bref, un « bon » message de microblog est conçu pour ne pas être durable. Ou alors, disons que c'est un type d'utilisation du microblog, puisque des personnes très compétentes y partagent des astuces, en sus de leurs podcasts, blogs, etc. : l'intérêt reste d'être lu·e et, éventuellement, de bénéficier de l'audience de son véritable réseau social, celui que l'on se crée avec les contenus que l'on partage, les actions hors-écran que l'on coordonne et pour lesquelles on peut demander un coup de main ponctuel, etc. Si Norden Gail était à ma connaissance la seule personne utilisant correctement Twitter comme outil de militantisme, c'est car elle ne prétendait pas piloter l'Aquarius, ni le maintenir à flot en partageant ses pots communs : seulement, forte de 20,000 abonné·es, elle mettait son audience à disposition de son propre réseau social, l'équipage du bateau, et plus globalement les militant·es défendant les droits humains.

À l'inverse d'une audience, le terme « réseau social » présuppose une relation et un engagement quelconque qu'il est à peu près aussi pertinent de tenter de discerner en la faisant cliquer sur des boutons qu'en lisant des feuilles de thé. Un réseau social, ce sont des personnes sur lesquelles on croit pouvoir compter, ce qui me paraît impossible, pour de nombreuses raisons, concernant de simples likes et partages. Je ne me vois pas contacter un·e abonné·e ayant liké et partagé plusieurs de mes posts pour lui faire part d'un projet de coopérative de services numériques libérateurs, même si je la savais fiable et compétente, car il n'y aurait strictement aucune relation pré-existante ; que des libristes me trouvent intéressante, déconcertante, ou juste pénible, au moins ces personnes pensent quelque chose de plus de ma personne que d'un emballage de bonbon.

Il ne s'agit pas d'une sorte de méritocratie où seules les personnes dignes de ce nom me mentionneraient (sur quels critères ?), donc n'hésitez pas à me répondre, à réagir à mes billets de blog, à les critiquer, etc. Si vous me mentionnez, je peux m'abonner à votre compte et m'intéresser à ce que vous publiez ; de même, mon réseau social s'étend lorsque des abonné·es partagent mes billets, mais consulter mes statistiques sur une base quotidienne me fait plus de mal que de bien, donc je ne m'en rendrai probablement pas compte. Pour être totalement honnête, il y a un profil de personnes qui n'ose pas mentionner ses abonnements, parfois comme ce fut mon cas car elles sont maintenues en situation d'échec par le logiciel avec lequel elles m'envoient des notifications, et elles devraient à mon humble avis identifier les besoins auxquels répond le microblog pour trouver des substituts qui ne les empêchent pas de se développer, ou au moins essayer de tels substituts (comme une tilde ou Org-roam), de premiers signes encourageants étant apparus dans mon cas en quelques jours. Je m'intéresse à ces personnes, comme vous pouvez le voir je pense à elles en écrivant ce billet, seulement je n'ai aucun moyen de savoir si elles sont fiables ou non si elles ne me mentionnent pas, sachant que je ne m'éclaterais pas, même si je voyais leurs notifications, à vérifier leurs profils ; dans tous les cas je ne pense absolument pas que vous devriez me mentionner pour appartenir à ce groupe qui a pour spécificité de ne pas oser le faire. Dans ce cas de figure, bien que des personnes faisant partie de mon réseau social puissent évidemment partager ou liker mes publications sans me mentionner, vous ne l'intégreriez pas de cette manière – pas parce que vous ne le « mériteriez » pas mais parce que je ne verrais pas la notification et que même si je la voyais, je ne prendrais pas la peine d'examiner votre profil pour vérifier si je peux compter sur vous.

Le réseau social n'est pas une propriété immanente au microblog : il se construit en apprenant et en faisant, et c'est ce qui donnera envie à autrui d'apprendre et de faire avec vous !