Océane

L'internet permet aux 99 % de coopérer intellectuellement et économiquement, ce qui favorise le développement des coopératives. Le développement de coopératives autogestionnaires correspond à l'une des trois branches de l'anarchisme : il y a l'anarchisme insurrectionnel, l'anarcho-syndicalisme, et l'anarchisme souterrain, visant à détruire le capitalisme en exploitant ses propres contradictions. Par exemple, Bonfire Networks fournit une option d'auto-hébergement via Abra, un outil développé par une organisation cofondée par le collectif Anarchy Rules!, ainsi que par une coopérative d'agriculture bio, une fondation culturelle européenne, etc.

C'est donc un catalyseur du développement des coopératives. Or les coopératives représentent un dépassement de la relation dialectique entre salarié·es et capitalistes puisque les salarié·es sont également des entrepreneur·euses : ce sont elleux qui prennent les décisions dans leurs entreprises. Les salarié·es co-détiennent les coopératives en achetant des parts sociales, qu'iels ne peuvent pas revendre, et qui ne peuvent pas représenter une valeur supérieure à celle de leur achat ; l'objectif n'est alors plus d'« optimiser » les patrimoines et donc de maximiser les rentes mais simplement de travailler ; la coopérative ne devrait donc pas croître au-delà de sa vocation sociale – travailler pour un secteur donné, le quartier, la collectivité, un marché donné, etc. – puisqu'une telle croissance ne donnerait lieu qu'à de nouvelles embauches. Les coopératives sont donc notamment un enjeu environnemental puisqu'elles permettent de limiter la « croissance exponentielle » en laquelle croient les économistes néolibéraux. L'internet est donc un enjeu environnemental.

Or l'ordinateur sur lequel je tape ce document pourrait bien disparaître à terme. Les minerais rares dont on a besoin pour fabriquer les ordinateurs ou l'infrastructure de l'internet seront épuisés. Et c'est de la faute des Gafams. Cette destruction planifiée est équivalente à une destruction planifiée de l'imprimerie, qui fut nécessaire à la transmission des idées des Lumières et au journalisme : c'est donc un projet politique contre-révolutionnaire.

Google est ainsi une force d'obsolescence de l'internet particulièrement discrète et qu'il me semble donc particulièrement important d'examiner. Android nous incite à jeter des téléphones parfaitement fonctionnels en augmentant par exemple les ressources système consommées par les applications développées à travers le kit de développement logiciel (SDK) qu'elle fournit : ainsi des téléphones vendus en 2015 sont-ils désormais inutilisables car ils ne peuvent plus exécuter suffisamment d'applications en même temps, ce qui en amène les utilisataires à conclure à des « pannes » matérielles.

De même Google a-t-elle poussé pour l'exécution de programmes à travers le web, ce qui crée évidemment des dynamiques de dépendance envers les serveurs fournissant le code à exécuter, mais qui contribue aussi largement à l'obsolescence de nos machines : pas parce que les développeur·euses auraient la flemme de développer des applications optimisées mais parce que ces personnes travaillent dans des conditions précaires et que leurs patrons les paient pour implémenter des fonctionnalités le plus vite possible, indépendamment de toute optimisation. L'essentiel est que les sites web tournent là où tourne Windows. Sur un modèle de protocole ouvert, il serait possible de développer des interfaces libres utilisables sur des ordinateurs plus anciens, mais le web nous impose une interface pour accéder à des informations, et donc par exemple pour faire ses démarches administratives, qu'il est désormais impossible de faire sans exécuter de code Javascript. De la sorte, il est possible de faire sous Linux tout ce que l'on pouvait faire sous Windows dans les années 2000 – écrire des documents, écouter de la musique, discuter avec ses ami·es… –, tout à l'exception de la navigation sur le web.

Or l'achat d'ordinateurs de plus en plus puissants, servant d'excuse à des sites web de plus en plus consommateurs de ressources, est avant tout dû à l'obsolescence (programmée ?) du système d'exploitation Windows, faisant lui aussi croire à des pannes matérielles : ma mère avait un ordinateur acheté en 2008, de plus en plus lent ; vers sa « fin de vie » il mettait environ 10 minutes à lancer une session de navigateur, et il arrivait que l'horloge de la barre des tâches ne soit pas mise à jour pendant plus d'une minute. Un jour, en 2022, son bureau avait tout bonnement disparu, et elle ne pouvait plus travailler, j'ai donc installé Fedora sur une clé USB pour voir si c'était un problème logiciel ou matériel : l'ordinateur était alors parfaitement fonctionnel, et avait lancé Firefox en quelques secondes. Ma mère, qui avait tenté de faire durer son ordinateur le plus longtemps possible, sur un unique disque dur et sans faire de sauvegardes, n'a pas voulu installer Linux dessus et s'en est débarrassée.

Peut-être sa vieille architecture n'était-elle simplement plus soutenue commercialement par Windows, logiciel propriétaire, prouvant donc la nécessité de systèmes d'exploitation libres et collaboratifs pour une informatique pérenne. Peut-être Microsoft dégrade-t-elle volontairement les performances du vieux matériel pour inciter ses utilisataires à acheter de nouveaux ordinateurs et donc de nouvelles licences OEM (vente liée de licences Windows avec des ordinateurs Asus, HP, Lenovo…). Mais que ce soit pour des raisons techniques ou économiques, Microsoft est une menace pour l'informatique.1

À ma connaissance, l'augmentation en puissance des ordinateurs répond à deux usages : l'exécution de logiciels professionnels (comme Photoshop) et les jeux vidéo. Lorsqu'un ordinateur grand public peut exécuter ces programmes, mais qu'ils ne sont compatibles qu'avec Windows, il incombe aux salarié·es et aux employeur·es de contribuer à des alternatives libres et, lorsqu'elles sont suffisamment matures, de les (faire) adopter ; lorsqu'ils nécessitent une grande puissance de calcul, de tels ordinateurs doivent rester dans les locaux de l'entreprise, il ne saurait être question d'en inciter les salarié·es à la surconsommation numérique ; les jeux vidéo quant à eux restent un phénomène minoritaire, une excuse pour la destruction d'ordinateurs parfaitement fonctionnels. Qualifiez-moi d'optimiste, mais je pense que si je disais à une habitant·e de mon quartier, dans le cours d'une conversation, qu'iel pourrait installer Fedora ou Linux Mint pour sauver l'internet et donc la Troisième Révolution industrielle, mettant ainsi fin au capitalisme de manière non-violente et à la menace environnementale qu'il représente pour l'espèce humaine, pérennisant par ailleurs l'exploration spatiale, iel y manifesterait un certain intérêt. L'usage de Syncthing permet de sauvegarder tous ses fichiers personnels automatiquement, sans fil, en continu, sur son propre matériel, et donc de pouvoir tester GNU/Linux pendant quelques jours ou quelques semaines, avant de revenir sous Windows si on en a besoin.

Enfin, il va sans dire que Facebook joue un rôle dans la destruction de l'internet puisque son modèle le représente pour de nombreux·ses utilisataires : non seulement en ouvrir un onglet implique-t-il le téléchargement de 40 Mo de données, soit un millier de fois cette page web, mais pour ces dernièr·es, l'internet équivaut à « 5 sites web, qui contiennent des captures d'écran des quatre autres ». Or le web est un ensemble interconnecté de documents et certains le sont plus que d'autres, ce dicton ne désignant alors que le web capitaliste, à distinguer du web social (Mastodon, les coopératives) et de l'internet des hackers (majoritairement anglophone, par exemple des tildes). Étant à l'internet ce que les éditions Bayard sont à l'imprimerie, mais également pour de nombreuses personnes à peu près tout ce que l'internet a à offrir, Facebook le dégrade en le faisant passer pour une futilité, si ce n'est pour une nuisance.

Afin de permettre une sortie non-violente et pérenne du capitalisme, et donc afin de garder une planète habitable et d'assurer la pérennité de l'exploration spatiale, avant l'épuisement des matériaux dont elle a besoin, nous devons préserver l'internet. Cela passe par une sortie d'Android, notamment en contribuant (techniquement ou financièrement) à Ubuntu Touch, ainsi que par une sortie des réseaux socio-capitalistes (en se créant un compte Mastodon ou Bonfire) et de Windows (en installant Linux dans la mesure du possible).

1 Dois-je vraiment argumenter l'obsolescence programmée des appareils de marque Apple ? Les batteries des iPhone ne sont pas remplaçables, et lorsqu'il fut prouvé que cette entreprise ralentissait les processeurs en fonction de leur dégradation, elle répondit que c'était pour les préserver. Il y a vraiment le fait de prendre ses responsabilités envers son entourage ou envers son employeur et le fait de prendre ses responsabilités en tant que patron, cadre à des fonctions de direction, actionnaire d'une multinationale envers ses client·es. Concrètement, l'obsolescence programmée chez Apple, c'est appuyer deux fois sur le bouton d'accueil pour ouvrir le multitâche, ne pas avoir de réaction, appuyer dessus une troisième fois pour revenir à l'écran d'accueil, puis voir à quelques secondes d'intervalle l'application se fermer, le dossier auquel elle appartient se fermer, et l'écran revenir au premier « pan » de l'écran d'accueil (on passera sur le fait que cette entreprise a breveté le fait de paginer horizontalement et dans une interface graphique ce qu'Emacs fait verticalement et dans une interface textuelle depuis les années 70, il n'y a pas d'innovation de ce côté-là).

Ce billet est le deuxième du défi #100DaysToOffload.

Note : licence et croissance du blog

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Une histoire mignonne pour commencer : sur XMPP, dans le salon geminauts@, j'ai fondu un fusible sur les personnes qui mangeaient des œufs industriels, que l'on peut résumer par la phrase suivante : « Si vous n'avez pas les moyens de manger des œufs bio vous n'avez pas les moyens de manger des œufs. » Puis je me suis immédiatement excusée et je m'attendais à un torrent de violence, et en fait non, voici le log :

Gemini Chat: > I'm climbing up the leaderboard to go straight to Hell after I die and I can 100% guarantee you that people eating eggs from industrial farms are banned without warning. This counts as cheating Gemini Chat: Some people can only afford farmed eggs oceane: Then they can't afford eggs oceane: I can eat for an entire week with $15 worth of a mix of rice and seeds, in a single package that I boil for 15 minutes (without counting the sauce and vegetables). It's organic and farmed locally. I also don't get the minimum wage which isn't even enough to live decently in my country. oceane: Meat here is much more expensive, around 6€ for a supermarket rumsteack, i.e. around 18€/week per person for the meat alone (not counting feculents). Like honestly I'm fed up of this “but culturally”/“but people can't afford X” excuse. Animal abuse aside, the planet is burning. oceane: Sorry I'm fed up for reasons that aren't related to this conversation oceane: And acting like a dick, basically Gemini Chat: Haha no worries, we all have our days ben: > I can eat for an entire week with $15 worth of a mix of rice and seeds ben: oceane is secretly a chicken confirmed ben: I understand, of course. Here in Tajikistan development is so poor that people's typical diet is important for nutrition. A lot of people here suffer from malnutrition already to the point where things like meat and eggs are vital and yeah it's what they know how to do / are capable of in their industry and practices. If someone in the world has the opportunity to be vegetarian or vegan then I support them ben: (obviously diet is always important for nutrition; I should think more carefully about what I write lol)

J'y pense régulièrement parce que les gens sur des interfaces qui n'optimisent pas pour l'engagement sont adorables. Je pense vraiment que l'on développe une vision misanthrope de notre entourage si l'on croit que les Réseaux Socio-Capitalistes (RSC) refléteraient une quelconque nature humaine.

En fait, j'y pense parce que c'est trop mignon et qu'avec ma moitié on appelle ce mélange (que j'achète chez Biocoop) « le mélange de poules ». Et je me suis dit « wow, Océane, ton message ressemble à un truc que tu aurais pu lire sur Twitter ». Au nom de mon rôle d'alliée, j'ai partagé pendant des années des messages qui me faisaient du mal, et j'en veux aux personnes qui les écrivaient. Avec mon chéri on sale régulièrement sur les « radfems » de Twitter ; et on peut régulièrement voir des messages touchant vaguement à l'organisation de la société, mais qui ont tous pour point en commun de parler de personnes plutôt que de concepts. La réaction la plus courante est alors de dénigrer ces personnes, de les qualifier de « droitardes », alors que le phénomène me semble en réalité plus complexe qu'il n'y paraît de premier abord. Et si ces personnes étaient avant tout, elles-mêmes, victimes de ces sites web ? Je parlerai d'abord du problème de consentement posé par le web, puis des limitations de signes de ce que l'on publie sur les RSC, avant de montrer que ces limitations peuvent donner lieu à un comportement autoritaire, évoquant le contrôle de l'État sur ses sujets, l'assignation nominale.

Le web n'est pas consensuel

Commençons par une idée assez simple, nos cerveaux s'autorégulent. Le travail du cerveau est d'adapter le comportement de l'être humain à son environnement, et la conscience – tout ce que nous souhaitons, nos rêves, etc. – tout ce que « nous » percevons de « nos » pensées – ne fait que remplir certaines fonctions cognitives. On retourne donc aux interrogations les plus enfantines : ignorant le sujet carthésien et le trouble semé par la psychanalyse (« Pourquoi avons-nous un inconscient ? »), on répond à la question : « Pourquoi pense-t-on ? ». Évidemment, « nous » sommes une fonction cognitive afin d'assurer la croissance et la reproduction de l'organisme. Le cerveau, donc, s'« autorégule » au sens où nous sommes, en principe, capables de faire de nombreuses choses à peu près correctement, parce que nous nous adaptons aux retours de nos environnements. Cette idée n'a rien d'extraordinaire. Mais certaines personnes en semblent incapables dans certaines activités comme l'usage d'un ordinateur ou la fréquentation d'un supermarché, pour des raisons qui touchent notamment à la production industrielle de matières premières alimentaires, face à l'abondance desquelles nos cerveaux n'ont (quasiment) pas de garde-fou. Dans le cadre d'une alimentation de subsistance, ces matières premières sont rares et nécessaires à notre survie, dans un milieu concurrentiel, c'est pourquoi la sélection naturelle a mis la gomme pour nous inciter à les consommer. Dans une société industrielle, nos instincts de survie sont dépassés et seules nos éducations peuvent nous en protéger d'une surconsommation. C'est, je pense, pour cette raison que toutes sortes d'entreprises infantilisent leurs consommateur·ices : par exemple, l'interface d'Android, toute ronde et pétillante, enlève toute rigueur à des utilisateur·ices qui iront naturellement sur leurs téléphones, et sur le web… où Google affiche des publicités. L'interface d'Android sert donc les intérêts de Facebook et de Twitter en servant ceux de Google, qui sont de nous faire passer du temps en ligne, et donc de nous faire passer à côté d'interactions, et de formes de communication et de collaboration, hors ligne. Les civilisations progressant grâce à la communication et à la collaboration de leurs membres, c'est tout notre modèle civilisationnel qui est en jeu. Il en va de même pour l'iconographie médiévale de certains programmes web : une couronne pour lae créateur·ice d'un salon Discord, un bouclier de chevalier pour les modérateur·ices et admins d'un groupe Facebook, etc. Sur un logiciel professionnel, dans un contexte professionnel, ce ne serait pas sérieux. Mais nos enfants se connectent aux services de cette entreprise tous les jours, et nous les invitons nous-mêmes dans des groupes familiaux sur WhatsApp, alors que Signal existe. Cela me terrifie.

Cela me terrifie car le web permet de faire n'importe quelles interfaces, et donc de conditionner notre communication avec des utilisateur·ices à la signature de contrats (leurs CGU) et à l'usage de leurs affordances. Cela pose d'emblée un problème, juridique, de consentement puisque nous signons ces contrats sous la contrainte. Par ailleurs, une liberté absolue de créer des affordances se traduit en une liberté absolue de définition des modalités de communication et donc d'usage de dispositifs de pouvoir (Foucault, 1975), qui permettent de nous faire basculer vers des addictions comportementales. Il s'agira alors de détourner notre autorégulation vers un usage intensif des RSC, et donc vers une double exploitation en tant que producteurices et que consommateurices d'assets en circuit fermé, les RSC ayant de nombreuses propriétés les rapprochant d'institutions totales (Goffman, 1961) : ainsi la création du concept de meme (qui ne sont que des chaînes d'emails), ainsi que d'espaces en ligne et même de sites web dédiés (de la « Neurchisphère » à 9gag) ; celui du concept d'antimeme ; la substitution des mots « post », « publication », ou « billet » par « tweet » ; « mot-clé » par « hashtag », « mot-dièse » ou « mot-croisillon » ; « atteindre son quota » par « être en TL » ; etc. donnent lieu à une obsession pour la forme (et donc au phénomène improprement nommé des « grammars nazis ») et sont surtout des rites de mortification, dépouillant le reclus de son self pour le remplacer par celui de l'institution, et donc pour le rendre plus malléable et plus « programmable ». Si on suit le même auteur (Goffman, 1998), les avatars et les biographies mettent les « faces » de leurs utilisateur·ices, c'est-à-dire leurs parts sociales, sacralisées par la société elle-même, à proximité du profane, le contact entre le sacré et le profane entraînant une souillure, qui ne peut être effacée que par un rite de purification (Durkheim, 1912) (qui peut être aussi simple que des excuses). L'intensité de la proximité d'un grand nombre d'âmes donne lieu à ce que Durkheim nommait, si je me souviens bien de mes cours, une « effervescence », c'est-à-dire un moment de forte sociabilité. Tout sépare ainsi l'usage contrôlé, collectivement, d'un salon XMPP par la retenue des messages publiés (et donc un ratio signal/bruit élevé) ou, individuellement, d'un compte Mastodon par le petit nombre d'abonnements d'un salon Matrix incitant à publier notamment en fonction du débit de messages publiés par autrui ou d'un compte Pleroma dont les utilisateur·ices s'abonneront à peu près à tous les comptes « sympas » qu'iels trouvent, IRC et honk s'opposant à ces deux formes d'usages en n'affichant ni avatar, ni biographie, permettant donc un débit plus élevé sans nécessairement empêcher leurs utilisateur·ices de vivre leurs vies, de remplir leurs responsabilités, ou d'être présent·es pour leurs entourages. Une foule de procédés de ce genre transforme les priorités des utilisateur·ices en une pyramide à deux étages : la satisfaction des besoins d'une poignée d'ayants-droit, investissaires, actionnaires, cadres à des fonctions de direction, etc. est prioritaire sur la satisfaction de l'ensemble de leurs propres besoins, mis à égalité, l'addiction aux RSC les empêchant alors de les prioriser. Le détournement de l'une des fonctions les plus élémentaires de notre cerveau de la satisfaction de nos propres besoins vers celle d'une poignée d'hommes straight, à travers une addiction et donc la production/consommation d'assets, soit le besoin et l'alimentation du besoin chez autrui de consommer des publicités, aura notamment pour effet d'accentuer le plafond de verre et d'amener des personnes déjà fragilisées socialement (en raison de leur origine sociale ou de leur isolement social) ou/et psychiquement, ou/et maltraitées, à « décrocher », à être désaffiliées et donc à tomber dans le mal-logement et la mendicité (chacun de ces paramètres augmentant le risque d'addiction qui en aggrave en retour l'ensemble, afin d'en maintenir les victimes la tête sous l'eau).

C'est très différent concernant le smolnet, car il est basé sur des protocoles ouverts, et donc sur la possibilité pour ses membres de s'y connecter avec n'importe quelle interface. Par exemple, voici quelques interfaces RSS :

Une capture d'écran d'Elfeed. Le logiciel permet de filtrer ses flux sur une base de mots-clés, par exemple dans cette capture d'écran on voit toutes les publications politiques. Une publication ne peut avoir qu'une catégorie mais plusieurs mots-clés, ces derniers permettent donc un filtrage plus puissant.

Une autre capture d'écran de Newsflash. C'est une image statique, très attrayante visuellement. On y voit, de gauche à droite, les catégories de flux, qui contiennent chacune un ou plusieurs flux (ce n'est pas visible sur la capture d'écran car j'ai importé le fichier OPML d'Elfeed), puis l'ensemble des articles dans la catégorie ou le flux, puis l'article en lui-même.

De même que Dino, Gajim, Conversations, et Movim communiquent avec le même protocole, XMPP, Mastodon, Bonfire Networks, et honk fournissent des interfaces (et donc des affordances) très différentes avec le protocole ActivityPub : par exemple, honk ne permet pas de voir les nombres d'abonné·es, de likes, de partages, etc., il n'est donc pas possible d'accepter ou de refuser les demandes d'abonnements. C'est une approche un peu minimaliste. À l'inverse, Bonfire permet de créer des groupes, des tâches (et de les assigner), des événements, ainsi que de vendre des biens et des services, etc. C'est également un logiciel modulaire, conçu pour être étendu. C'est exactement ce que Facebook devrait être, donc si vous aimiez Facebook il y a dix ans, si vous pensez que Frances Haugen a raison, utilisez Bonfire à la place1.

À l'inverse, Gemini offre un langage descriptif délibérément restrictif (le gemtext) et permet donc relativement peu d'affordances, à part la lecture de publications. C'est un protocole très simple, très léger (les billets ne font que quelques kilooctets), et extrêmement apaisant. Mon entourage ne comprend pas que je lise Gemini pour m'endormir parce qu'il croit que l'internet se résume à Instagram ou Twitter, ce qui est bien évidemment faux.

Un autre point important par rapport à ActivityPub est que son modèle permet une vraie modération et donc que les comportements non-consensuels (par exemple de flirter avec des inconnu·es, sans leur consentement) donne lieu à de vraies conséquences : il y a ainsi des liens entre le smolnet et le réseau social associatif (le « Fédivers ») car même si l'idée de smolnet est opposée à celle de réseau social, c'est la même idée d'un internet sécurisé et consensuel. Je ne parle pas pour ActivityPub où on trouve beaucoup. de contenus sexuels, sérieusement, en publiant vous devez présumer que des personnes mineures vous liront, surtout en sachant qu'Instagram fait tout un foin sur le bannissement de la nudité féminine pour ne pas choquer la famille blanche nord-américaine typique et par prédation envers nos enfants ; mais je pense que si vous voulez lâcher vos enfants quelque part sur l'internet vous pouvez le faire sur le smolnet.

Le problème du web me paraît donc être un problème de consentement, celui de la signature de contrats et de devoir communiquer ou accéder à des informations selon des modalités inégalitaires, et être fondamentalement celui du capitalisme. Il y a sans doute lieu d'opposer l'internet « indé », celui des hackers, majoritairement anglophone, ainsi que le web des coopératives et l'archipel de différents milieux associatifs (logiciels libres, conservation du patrimoine, etc.), dont les hyperliens dessinent la libre association, au web capitaliste, celui des Gafams, qui représente à mon sens le principal danger sur le web. Son principal défaut social est bien de prêter le flanc à des capitalistes comme Dorsey et Zuckerberg, d'où sans doute sa promotion par Microsoft (au détriment, par exemple, de Gopher). Le percevoir comme la seule interface avec l'internet revient à et implique d'ignorer que la plupart des systèmes Unix disposent de programmes dédiés à l'installation des paquets, qui sont maintenus, patchés, et mis à jour par des bénévoles (à l'exception, en plus de Windows, de macOS, leurs gestionnaires de paquets étant maintenus par des développeurs tiers).

Le gestionnaire de paquets de Fedora, « Logiciels ». Il m'indique que tout est à jour.

On en vient au problème du militantisme sur Twitter. C'est un problème (1) lié aux limitations de signes (2) qui amènent à parler de personnes plutôt que de concepts, ce qui est, je pense, un comportement autoritaire.

Maltraitance, limitations de signes, et assignation nominale

Tous les RSC sont plus ou moins discrètement limités en nombres de signes. Twitter était limité à 140 signes, il l'est maintenant à 280. Les stories Instagram doivent tenir sur un écran de téléphone, et sont donc limitées en taille. Les utilisateur·ices accro à Facebook ne lisent pas des pages mais des commentaires, c'est plus rentable, en termes de likes. Les commentaires ont une limite dure à quelques milliers de signes, et de toute façon, à quoi bon développer un concept dans un commentaire d'une publication qui sera enterrée dans quelques jours ?

Cela tient avant tout au fait que les RSC sont une arnaque, ou plutôt une forme de maltraitance, que j'appelle « maltraitance de marché ». La seule différence, à ma connaissance, est le caractère prolongé de la relation entre la victime et l'escroc. Le web permet une maltraitance de marché massive et pyramidale. Qu'il s'agisse d'une arnaque ou de maltraitance, le criminel ne veut pas que sa victime prenne de recul par rapport à ce qui se passe ; les réseaux sociaux étant un mode de communication et, dans le contexte d'une addiction, le mode de communication privilégié de leurs victimes, ils peuvent judicieusement réduire le nombre de signes pour les empêcher de développer des concepts.

De manière générale, une personne accro fera tout pour satisfaire son addiction, et y pensera constamment. Les limitations de signes sur les RSC ne limitent pas seulement la taille des messages lus mais également la taille des messages que l'on peut publier pour satisfaire son addiction et donc de ce que l'on peut penser. Peu après avoir supprimé mon compte Twitter, je me suis rendu compte que je faisais attention à penser par « blocs » de 280 signes.

Or créer un concept revient à mettre un mot ou une expression sur un point commun à un ensemble de phénomènes apparemment hétérogènes. Lorsque je parle de « maltraitance de classe », je veux dire premièrement que l'on évite souvent ce terme (on parle de « harcèlement scolaire », de « violences conjugales », de « cancel culture »), ce qui empêche justement une conceptualisation : que ces phénomènes ont-ils en lien ? Ensuite qu'ils ont pour point commun une origine dans les rapports de production, dans les conditions de travail, dans le financement des services publics (et donc les impôts des riches), etc. Les enfants sont maltraité·es à l'école car cette dernière est sous-financée ; certains métiers sont peu attractifs et on y recrute un peu n'importe qui, malgré mon respect pour la plupart de mes profs. Dans une cour de récréation, on lâche quelques centaines d'élèves sous la surveillance d'une demi-douzaine de personnels, ce qui résume la prétention éducative de l'Éducation nationale à l'acquisition de connaissances et à l'apprentissage de la soumission à l'autorité. L'enquête Guizot de 1833 interrogeait le rayonnement du maître dans son village ; les miens, en primaire, fumaient des cigarettes assis sur des chaises. De même, il va sans dire qu'une réduction des allocations familiales, ou une radiation de Pôle Emploi, chez une mère qui après un travail drainant va chercher ses enfants à la garderie et les emmène faire les courses dans un supermarché bondé et labyrinthique donnera lieu à de la négligence et à des abus ; cette pauvre mère est elle-même maltraitée administrativement et ne peut pas être constamment présente pour ses enfants. Elle a besoin de se reposer et pourra être violente ou négligente envers eux ne serait-ce que pour pouvoir assurer ses propres besoins les plus primaires – hygiène, alimentation, etc. – et donc les leurs. Sans parler de son devoir de leurs faire faire leurs devoirs, et ça aura des conséquences graves, mais ce n'est pas de sa faute, c'est celle des ultra-riches, qui ont fait élire un proto-fasciste notamment pour supprimer l'ISF (et organiser une surveillance accrue de la population, pour passer le flambeau à Gabriac, ou à une junte militaire, en cas de mouvement social difficilement gérable). De même, les violences conjugales sont une forme de maltraitance que l'on gagnerait à mettre en lien avec la maltraitance administrative, professionnelle, éducative, et familiale (et donc la maltraitance administrative, professionnelle, éducative, et familiale des parents) du conjoint violent. Même dans les cas où il ne s'agit pas d'un pauvre diable mais d'un manipulateur aguerri, j'en ai hébergé un et il ne pouvait pas s'empêcher de parler de sa mère, de manière incohérente, peut-être pour me manipuler mais aussi de manière sporadique, très spontanée, très peu liée à la mienne, et vraisemblablement par besoin d'exprimer quelque chose. Le sadisme en lui-même peut venir d'une expression systématisée et radicalisée de la culpabilisation qui accompagne souvent la maltraitance, à la fois comme technique de manipulation et comme moyen de se soulager de sa propre culpabilité en la faisant porter symboliquement à sa victime. Toutes ces (les ?) formes de maltraitance semblent donc être en réalité une réaction en chaîne à des choses très simples comme le néolibéralisme ou les intérêts de classe de la classe dominante.

Comme vous pouvez le voir, ça prend de la place. Il serait impossible (et futile) de développer ce concept sur Facebook, il est cependant possible de me lire sur ActivityPub, par exemple depuis Mastodon. Les RSC nous incitent donc à parler de personnes, plutôt que d'idées, et on entre dans le problème de l'assignation nominale.

L'assignation nominale est un concept évoqué par Bourdieu dans « L'illusion biographique » (Bourdieu, 1986). Il la définit comme l'illusion de la cohérence d'un même individu, par son nom, dans toute sa biographie à des moments et dans des contextes très différents. L'article est très intéressant et comme d'habitude venant de Bourdieu, très bien écrit ; il y explique notamment que « Comme l'indique Alain Robbe-Grillet, « l'avènement du roman moderne est précisément lié à cette découverte : le réel est discontinu, formé d'éléments juxtaposés sans raison dont chacun est unique, d'autant plus difficiles à saisir qu'ils surgissent de façon sans cesse imprévue, hors de propos, aléatoire » (2). »

Si on suit cet article, l'assignation nominale n'a aucun fondement scientifique et sert selon moi à assurer le contrôle de l'État (et du capitalisme d'État) sur ses sujets à travers le CV. et le casier judiciaire ; on y retrouve une idée d'élection ou de jugement des âmes, de perpétuation de la vie après la mort pour les parents qui élèvent « bien » leurs enfants. Pour moi l'assignation nominale est un procédé fondamentalement autoritaire, une manière de nous contrôler, qui passe par les contrôles de connaissances et les examens, les concours aux grandes écoles, les opportunités de carrière, les preuves de recherche active d'emploi… Ainsi que toutes les formes de délit de faciès – contrôles d'identité, fouilles, intimidations, présence de la BAC dans les cités ouvrières (c'est-à-dire, en réalité, construites pour l'immigration algérienne), etc. – qui donnent lieu à une surpénalisation des Français·es afrodescendant·es. On retrouve dans l'assignation nominale des éléments de maltraitance – notamment de racialisation – et une idée fondamentale de contrôle.

Les limitations de signes sur les réseaux sociaux n'étant qu'une stratégie de maltraitance parmi d'autres pour empêcher leurs victimes de conceptualiser ce qui leur arrive, et ces personnes, étant maltraitées, dépendant notamment de l'intensité d'une relation abusive, elles tendront à accepter et à partager circulairement (et compulsivement) des schémas narratifs centrés autour de personnes plutôt que de concepts. Selon ces personnes, le problème n'est ainsi pas le présidentialisme (Edwy Plenel) mais « Foutriquet » (Michel Onfray). La personnification de problèmes organisationnels et collectifs est ainsi fondamentalement autoritaire, dans le mode de communication même : lorsque Marine Le Pen parle de « dédiabolisation » de son parti, elle réduit le débat à une question de nom propre, la diabolisation ou non de son parti politique, fermant le débat à des réflexions conceptuelles sur le fascisme, le totalitarisme, l'autoritarisme, et l'extrême-droite… qui furent des victoires sémantiques cruciales des antifascistes – militant·es, historien·nes, littéraires, politicien·nes, etc. – nous ayant précédé·es. Personnifier les problèmes de la Cinquième République en un schéma narratif de haine envers nos personnalités publiques, c'est réduire ses ambitions à l'élection d'un·e politicien·ne pas trop corrompu·e, malgré la Constitution française, au lieu de vouloir réformer cette dernière. Il n'y a rien de moins anticapitaliste que de personnifier le problème du capitalisme en les personnes des milliardaires et c'est pourtant ce que font de nombreux·ses « militant·es » piégé·es sur les réseaux sociaux, à cause d'une addiction elle-même nourrie par des circonstances hors ligne et plus généralement par des cadres sociaux, parfois comme coping mechanism.

L'assignation nominale est également un écueil pour tout proche de personne handicapée mentale car il s'agit alors de la personnification, en la personne handicapée mentale, de problèmes de santé dont elle ne dépend pas et qui sont largement produits par la société et par notre « modèle » économique. Cela impliquera souvent de la maltraitance ainsi qu'une culpabilisation de la personne malade pour les raisons évoquées plus haut, et la personne pensera donc mériter d'être maltraitée (et pourra se punir pour son handicap). La maltraitance de classe au final repose dans son ensemble sur l'assignation nominale et on pourrait même dire qu'elle serait un mal nécessaire, que l'on pourrait au mieux limiter politiquement, par des politiques progressistes, pour que cette dernière remplisse l'ensemble de ses fonctions. De nombreuses victimes de maltraitance expriment donc une sorte de culpabilité « personnelle », « essentielle », ou « ontologique », notamment en s'autorégulant à travers un syndrome de La Tourette ainsi qu'à travers des tics comme des claquements et mouvements de doigts, des expressions faciales, des ritualisations, des « jeux » que des psychiatres pourront expliquer par des troubles psychotiques, etc.

Mais dans le contexte d'addiction à une performance autobiographique et fortement normative caractérisant les RSC, ces personnes pourront elles-mêmes verser dans l'assignation nominale d'autrui, à des fins plus ou moins conscientisées de contrôle et de maltraitance des sujets déviants. Cela s'inscrit notamment dans un contexte de naturalisation des affordances des RSC et des normes qu'elles imposent par leur caractère addictif et leur ubiquité, leur insertion dans notre vie quotidienne en tant qu'habitudes les y insère et leur en confère le caractère souverain, le conflit entre les normes des RSC (déviantes) et celles de la vie quotidienne (normales) étant résolu, par la fuite de maltraitance hors ligne dans des « espaces » abusifs mais addictifs, par la prévalence de celles de ces derniers (Berger et Luckmann, 1986). Or les RSC reposent sur une addiction à l'attention d'autrui, et sont conçus pour la rendre en moyenne insuffisante pour assouvir les besoins de leurs victimes, ce qui en rend l'accès concurrentiel à la fois envers d'autres utilisateur·ices mais aussi envers la personne dont on veut l'attention – il y a inséparablement une part de prédation dans l'addiction aux RSC. Or ces derniers nous fournissent des affordances pour obtenir cette attention en provoquant chez autrui un sentiment de danger, ce qui peut également passer par des souillures, notamment lorsque la victime s'échappe2 ; ce sentiment de danger (et ces souillures) sera donc naturalisé comme un comportement « normal » à avoir, en particulier auprès des personnes dont les victimes des RSC souhaitent le plus avoir l'attention, c'est-à-dire leurs proches. Sans doute l'assignation nominale est-elle constitutive de la maltraitance des proches des victimes des RSC mais on peut également l'imaginer être une tentative molle et un peu désespérée d'obtenir celle d'inconnu·es ou de proches en parlant de ces inconnu·es.

C'est un phénomène que l'on retrouve notamment dans le milieu militant étudiant, dont certaines organisations recrutent malheureusement des victimes des RSC, et qui concerne plus particulièrement un syndicat dans lequel j'ai été, puisqu'il était horizontal et démocratique : entre un tiers et la moitié de mes camarades étaient accro aux RSC et donc maltraité·es, et versaient donc dans ces comportements qui n'étaient pas seulement politiquement stériles, ils étaient en réalité et en pratique proches de l'extrême-droite et neutralisés par les groupes environnants. Mentionnons aussi que le militantisme est une pratique collective et que la maltraitance fait logiquement et de manière compréhensible adopter un principe de méfiance vis-à-vis d'autrui (qui peut se systématiser sous la forme irrationnelle d'une paranoïa), ce qui empêchera l'organisation collective, au sein de l'organisation et avec d'autres organisations, et donc la pratique militante elle-même – en plus de faire adopter des pratiques de maltraitance au sein de l'organisation ; une syndicalistes a ainsi dit en plaisantant qu'elles avaient encore fait partir « un con », et qu'elles devraient peut-être présenter un texte en congrès pour faire adopter cette pratique. Ce n'est qu'un exemple des différentes manières par lesquelles les RSC peuvent pourrir le militantisme, mais c'est aussi une démonstration du caractère justement conceptuel et systémique, plutôt que personnel de la maltraitance numérique (plutôt que « harcèlement en ligne » ou pire, « cancel culture »). À travers cette étude de cas sur l'assignation nominale, nous avons vu que la « cancel culture », comme les « violences conjugales » ou le « harcèlement scolaire » (qui n'est que l'une des formes que peut prendre la maltraitance scolaire) s'originent dans les rapports de production et peuvent alors être caractérisés comme des formes de maltraitance de classe, c'est-à-dire de la maltraitance que notre camp social et surtout ses membres les plus précarisé·es subissent de politiques sociales poussées par une infime minorité d'ultra-riches. Comme souvent l'extrême-droite (c'est-à-dire l'incarnation la plus politiquement répressive du patronat) prétend combattre ce qu'elle est réellement et être ce qu'elle combat, rejetant la responsabilité de cette maltraitance sur ses victimes, « harceleurs » de 13 ans ou « wokisme » débridé. Enfin, nous avons vu le caractère autoritaire de l'assignation nominale proprement dite, promue par les médias bourgeois et par l'extrême-droite elle-même, qui diffracte des situations homogènes – le totalitarisme, l'élection – en une pluralité d'éléments apparemment hétérogènes, et qui mène à la maltraitance de nos entourages, notamment de personnes handicapées mentales.

Le cycle est désormais apparent et il nous appartient de le briser, de le visibiliser, de l'étiqueter (Becker, 1963).

Références

Becker H.S., 1963, Outsiders: studies in the sociology of deviance, New ed., New York, NY, Free, 215 p. Berger P.L., Luckmann T., 1986, La construction sociale de la réalité, Paris, Méridiens-Klincksieck (Sociétés). Bourdieu P., 1986, « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, 62, 1, p. 69‑72. Durkheim É., 1912, Les formes élémentaires de la vie religieuse: le système totémique en australie, 5. éd, [Nachdr.], Paris, Puf (Quadrige), 647 p. Foucault M., 1975, Surveiller et punir: naissance de la prison, Paris, Gallimard (Bibliothèque des histoires). Goffman E., 1961, Asiles. étude sur la condition sociale des malades mentaux, Éditions de Minuit (Le sens commun), 452 p. Goffman E., 1998, Les rites d’interaction, Paris, Ed. de Minuit (Le sens commun), 230 p.

Notes

1 Je reste sur des objets de type Note, et pas de type Article, bien que Bonfire Networks soit censé permettre à terme de publier avec ces deux types, de même par exemple que microblog.pub, mais Write.As permet de publier des objets de type Article et peut donc être lu depuis Mastodon et afficher les réponses (de type Note) en tant que commentaire. 2 Il existe un tag group sur Facebook nommé « This isn't an airport, no need to announce your departure ». Je pense notamment à un admin du groupe Neurchi de mon université, Lyon 2, l'ayant mentionné lorsqu'une étudiante a dit – le plus poliment possible mais déjà sur la défensive – que la modération de ce groupe ne lui convenait pas et qu'elle le quittait.

Ce billet est le premier du défi #100DaysToOffload. L'objectif est de publier 100 billets en une année. Celui-ci fait 5000 mots et m'a pris trois jours, ça va être baroque. Il est également disponible au format PDF.

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Je définis l'intelligence comme la capacité de communiquer et de collaborer avec autrui. C'est une définition sociale de l'intelligence, au sens où elle met en avant la collaboration entre les êtres humains (qui sont des animaux sociaux). Pour des prédateurs autonomes, comme les araignées ou les requins, l'intelligence s'évaluerait autrement, mais dans tous les cas comme la capacité d'atteindre ses objectifs.

Une telle définition a pour avantage de désessentialiser à peu près complètement ce phénomène : oui, ça se passe dans le cerveau, mais ce n'est pas une propriété immanente à l'individu. Des personnes ayant un QI très élevé peuvent avoir un comportement stupide ; en ce qui me concerne, je ne suis pas sûre que rester active sur Mastodon alors que ce réseau social me bouffe la vie serait un comportement très intelligent. L'intelligence est au contraire perçue dans un sens civilisationnel, comme la capacité de développer des vaccins, des modèles de société plus efficaces et plus désirables, de faire progresser l'organisation des informations et la mise en ordre du réel, de mettre en garde sa civilisation contre ses contradictions internes et donc contre ses risques d'effondrement, etc. L'intelligence est ici perçue comme la raison principale pour laquelle on a des hôpitaux, et pour laquelle on (du moins, certaines personnes) préserve nos forêts et nos océans, comme travail exclusivement collaboratif. Un·e scientifique peut avoir fait de grandes découvertes, mais si iel n'arrive pas à les communiquer, elles ne seront pas reconnues. Plus on descend dans la hiérarchie sociale, plus cette conception se rapproche du passage de points de contrôle, dans une relative subordination : on passe d'une capacité de capter l'intérêt de nos collègues à celle de passer un entretien d'embauche ou de satisfaire une cliente.

L'intelligence dépend donc avant tout de l'entourage social et des outils de communication utilisés : un enfant dont la famille est maltraitée par les coupes de budget sur les allocations familiales ou sur le RSA, et étant maltraité par le système scolaire dès son entrée et jusqu'à sa sortie sera stupide, indépendamment de son QI et de ses capacités réelles1, et malgré toute sa bonne volonté. De même, les personnes qui se renseignent et socialisent exclusivement sur les réseaux sociaux, qui sont des outils d'information médiocres (et notamment conçus pour nous empêcher de prendre du recul quant au fait que ce sont des arnaques), seront stupides.

Ça montre alors que l'intelligence est une question notamment politique, et notamment celle du budget alloué à l'Éducation nationale, ou aux allocations familiales : l'enquête Guizot de 1833 vérifiait le rayonnement du maître dans le village, un aspect qui m'a marquée, alors que les profs de mon école primaire discutaient en fumant des cigarettes pendant la récré, et me disaient d'aller jouer quand je me rapprochais d'eux… Mais cela montre aussi qu'il existe des cas où l'intelligence n'est qu'une simple question d'outils ! Je connais une personne autiste, comme moi, à qui son père a formellement interdit d'utiliser les réseaux sociaux. Elle passe donc son temps à la bibliothèque municipale, et elle est passionnante, non seulement car elle est cultivée, mais aussi car les usages possibles de sa culture sont infinis. Inversement, il est impossible pour certaines personnes d'être réellement intelligentes, ou autrement dit de communiquer de manière réellement efficace, sur un modèle de communication conçu pour les piéger (s'agissant par exemple de leur isolement, de leur santé mentale, ou de leur maltraitance). Dans ce cas-ci, il suffit de changer d'outils de communication, de remplacer les réseaux sociaux par le journal, par des podcasts, ou par la bibliothèque, pour mieux atteindre ses objectifs, et mieux passer les points de contrôle d'un État-nation capitaliste (examens, entretiens d'embauche, etc. !

Notes

1 Et comme on n'est pas dans Bienvenue à Gattaca, je précise que les capacités réelles des êtres humains restent impressionnantes ; on sait aujourd'hui que le QI ne prouve ni intelligence ni absence d'intelligence, je rappelle que c'est un diagnostic médical et pas un examen scolaire.

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Dans « L'homme pluriel » (Lahire, 1996), une institution totale (concept goffmanien (Goffman, 1961)) est définie par l'isolement de ses membres au milieu d'une société différenciée. Goffman lui-même définit l'entrée en institution totale par des « rites de mortification » : des rites de dépouillement du self du nouveau membre, comme le montre le début du film Full Metal Jacket où de nouveaux militaires se font raser, avant de se faire pourrir par un officier.

Sur les réseaux sociaux, la stupidité de certaines « communautés » (caractérisées par une absence de coprésence) peut être expliquée par ce concept : l'addiction des utilisateur·ices les isole d'une société différenciée, chez elleux, devant leurs ordinateurs ou sur leurs téléphones. Il s'agit d'une minorité de personnes, mais numériquement sous-estimée notamment car elle a honte et car elle se cache pour assouvir son addiction. Ces personnes tombent dans une double exploitation : en tant que productrices et que consommatrices intensives d'assets et donc génératrices, à ce double titre, d'encarts publicitaires ; c'est ainsi qu'elles tendent à consommer de manière quasiment exclusive des contenus basés sur les leurs, et à produire des contenus basés sur ceux de leurs pairs, de manière circulaire et sans références à des événements réels, dans une forme d'« autopropagande1 par le vide ».

Tout semble être fait pour rendre leur expérience analogue à celle des institutions totales : de ce point de vue, parler de « tweets » (plutôt que de « posts ») ou communiquer sous forme de « threads » ressemble, comme de nombreux aspects culturels propres à certains réseaux sociaux, à des rites de mortification. Tout semble également fait pour empêcher ces personnes de prendre le recul dont elles ont besoin par rapport à la situation d'arnaque dans laquelle elles sont : si des journalistes peuvent faire des fils sur Twitter ou même sur Mastodon, il s'agit d'une minorité de personnes vivant justement de leurs écrits. Ce n'est pas la situation de la plupart des utilisateur·ices de Twitter. Au contraire, le raccourcissement plus ou moins discret des messages (de la limitation de caractères aux dimensions limitées d'une story Instagram), en plus d'être de ce point de vue un rite de mortification et d'inciter aux messages les plus « engageants », à la remarque incisive, voire au clash – dans un contexte d'attention délibérément raréfiée pour être en moyenne insuffisante par rapport aux besoins des personnes accro, et donc de concurrence pour notre attention –, c'est-à-dire à des messages provoquant la peur, la colère, et la haine, les empêche tout simplement, comme le déclassement des hyperliens externes, de prendre du recul par rapport à cette situation.

Le succès du courant cyberpunk sur les réseaux sociaux s'explique ainsi évidemment car les réseaux sociaux sont des produits vendant à des investissaires notre temps et nos émotions, ce qui apparaît comme un point d'étape vers la réalisation de sa sombre prophétie, donc à travers ce courant on aimerait que le grand public se rende compte de ce qui nous arrive, ensuite car il s'agit d'une dystopie et car il est plus facile de s'y identifier, en (mettons) 500 signes, qu'à une utopie. Si on lit « La société du spectacle » (Debord, 1967), on se rend notamment compte que l'économie politique a dégradé l'être en avoir, et que depuis la moitié du XXe siècle cet avoir s'est encore dégradé en paraître. Les réseaux sociaux en sont un archétype : dans le contexte où l'on tente justement de s'en servir pour rompre avec l'isolement et pour rencontrer des inconnu·es, on n'interagit pas avec des personnes mais avec des personas, avec des mises en scène de leurs existences. Prendre le réel tel qu'il nous est donné pour le réel lui-même, c'est ce qui caractérise l'enfance, et c'est également ce qui caractérise le mode de propagande bourgeoise de répétition d'un message, que l'on peut retrouver, avec un contenu de gauche, sur les réseaux sociaux et malgré leur modèle ; le militantisme, l'âge adulte, c'est tenter de rapprocher l'état actuel du monde de ce qu'il devrait être2, c'est des utopies, des rêveries déterminées, qu'il est comparativement plus difficile de susciter en quelques dizaines de mots.

Comment éviter une expérience totalitaire ? En utilisant les réseaux sociaux pour communiquer avec des personnes que l'on connaît AFK. C'est mon chéri qui m'a fait remarquer que j'utilisais les réseaux sociaux pour interagir avec des personnes que je ne connaissais pas, tandis que son propre usage lui paraissait en tout cas plus sain et contrôlé que le mien. C'est logique si l'on considère qu'utiliser un réseau social avec des personnes que l'on connaît devrait nous protéger de l'isolement qui caractérise les institutions totales.

Plus généralement, cela peut être par un usage intentionnel du numérique, qui peut être atteint de cette manière ou en fréquentant des communautés d'intérêt telles que (en informatique) les tildes et des associations de logiciels libres, des communautés de jeux de société et de jeux vidéo, ou alors qui tournent autour de la nature et des animaux, tout ce qui tourne autour de la slow life (tricot, slow food, économie circulaire), etc.

Bibliographie

Debord G., 1967, La société du spectacle, Buchet/Chastel, 106 boulevard du Montparnasse, Paris, 221 p. Goffman E., 1961, Asiles. étude sur la condition sociale des malades mentaux, Éditions de Minuit (Le sens commun), 452 p. Lahire B., 1996, L’homme pluriel. les ressorts de l’action, Lyon, Fayard (Pluriel), 271 p.

Notes

1 Cf. https://www.arte.tv/en/videos/085801-008-A/dopamine-8-8/.

2 Cf. https://www.arte.tv/fr/videos/108567-012-A/peut-on-grandir-sans-se-trahir/. On exclut de cette analyse la haute bourgeoisie, car (1) de sa position sociale, le monde devrait être ce qu'il était au XIXe siècle, (2) on sait de longue date que cette classe sociale n'est qu'une enfance prolongée. Ce qui s'est déployé lors du couronnement du roi Charles était avant tout le caractère profondément infantile de la royauté.

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Je crois qu'on a à peu près tou·tes vu cette affiche transphobe de L'Express, digne d'un meme de Donald Trump : un photomontage de l'Homme de Vitruve cachant sa bouche, ses yeux, et ses oreilles, titré « Les nouveaux obscurantistes. Sous couvert d'idéologie, ils nient la biologie ». Le message est transphobe, misogyne, et stupide : la recherche en sciences humaines et sociales, et notamment en sociologie, nierait la biologie et notamment les différences « biologiques » (ou « d'essence ») entre les sexes. Précisons d'abord que la sociologie a bien conscience de la biologie, et que les approches dispositionnelles peuvent être mises en lien avec le fonctionnement du cerveau de manière assez évidente, elle diffère plus des sciences cognitives en termes de perspective et d'outils de recueil de données qu'en termes d'objet. Ensuite, s'il y a eu des courants en biologie étudiant les différences cognitives selon le sexe (ou la race), ils sont désormais minoritaires (au sein de leur discipline) ; quant à un magazine impliquant que les connaissances scientifiques seraient données une fois pour toutes et indiscutables… Je n'ai pas les mots, je trouve ça sincèrement dégoûtant. Des implications de ce mode de pensée sont par exemple que les hommes seraient violents à cause de leur testostérone, ce qui leur fournirait des excuses lorsqu'ils sont violents, et indiquerait également que leurs situations pourraient être sans espoir, ou dans leur « nature », ce qui est parfaitement faux : certains hommes sont violents car ils sont eux-mêmes victimes de violences, d'autres parce qu'ils aiment ça. Enfin, soulignons que L'Express n'est lu que par 200,000 personnes, soit un·e français·e sur 350 (bien qu'il soit subventionné et que ses journalistes vivent en réalité d'aides de l'État, ce qui devient problématique lorsqu'on fait des Unes de cet acabit) : le contenu de ce numéro pouvait être intéressant par moments mais il ne concerne qu'un profil de lecteur·ices sans doute bien connu et défini, disposant d'un capital économique et d'un capital culturel bien identifiés, on est donc face à une affiche de propagande privée (L'Express appartient à Patrick Drahi) mais financée par l'État français, ciblant l'ensemble de la population.

Je me suis donc posé la question : aujourd'hui, qu'est-ce que l'obscurantisme ? Comme chacun le sait, on doit ce terme aux Lumières, qui se représentaient elles-mêmes comme perçant les nuages de l'obscurantisme. La diffusion de leurs écrits (dont le plus volumineux est sans doute leur Encyclopédie) est due à l'imprimerie, leur progressisme libéral en était donc techniquement tributaire. Or une invention similaire a vu le jour dans les années 70 : l'internet. L'obscurantisme, désormais, se manifeste lorsque la classe sociale qui a pris le pouvoir monarchique1, la classe bourgeoise, tente de nous détourner du pouvoir socialement transformateur de l'internet. Il se déploie dans toute sa violence lorsqu'une poignée de cadres à des postes de direction conçoit des modèles de téléphones et d'ordinateurs obsolescents et non-réparables, nous forçant à les remplacer tous les 2 à 5 ans, ce qui tend à nous faire épuiser les minerais rares dont on a besoin pour les produire. Mais il s'agit aussi d'une classe statistiquement minoritaire, dissimulant ses intérêts politiques à ce que l'on utilise les réseaux sociaux, une technologie de communication qui, pour les français·es les plus violenté·es par les rapports de production, ne sont qu'un piège, qu'une forme de communication anti-sociale, addictive, et même dangereuse, pour que leur publicité dissimulée les fasse paraître d'autant plus légitimes.

Voir aussi : Votre usage des réseaux sociaux correspond-il à une institution totale ?

Enfin, la Révolution française est la première révolution bourgeoise au sens où elle a permis à la classe féodale bourgeoise de prendre le pouvoir des nobles (notamment en les faisant guillotiner). Le modèle de la démocratie représentative reposait notamment sur le journalisme pour faire représenter les intérêts des Français les plus riches au gouvernement et au Parlement. Le siècle suivant, les ouvrièr·es ont développé des revendications socialistes et, aujourd'hui, l'internet rend une démocratie directe tout à fait accessible. L'obscurantisme, c'est aujourd'hui s'opposer, comme au XVIIIe siècle, à toute forme de progrès social, et notamment dans la dimension politique la plus déterminante, notre régime politique. Par quoi remplacer la Ve République ? Par une démocratie parlementaire ? Par une démocratie directe ? Par un réseau fédéré de communes autonomes ? Comment amener les Français·es à prendre par elleux-mêmes les décisions qui leur importe réellement ? Se sent-on exercer un grand pouvoir politique en voyant des tentes sous un pont, laisserait-on ces personnes dormir dehors si nous pouvions mobiliser les ressources économiques de l'État ?

Notes

1 Le programme libéral de la Révolution visait, et vise toujours, à associer les intérêts des travailleur·euses (privé·es de la propriété des moyens de production) à ceux des entrepreneurs : c'est une relation dialectique dont une synthèse peut être les coopératives, soit la propriété collective de l'entreprise et donc des moyens de production.

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