Océane

Je l'ai déjà dit, l'internet est sans doute l'invention la plus socialement et culturellement libératrice depuis l'invention de l'écriture. C'est l'internet qui permet à des milliers de personnes de diffuser des idées complexes dans un format accessible à tou·tes, sur et en dépit de YouTube.

En imposant une interface pour chaque base de données, et en étant perçu comme le choix par défaut, le web contribue à la centralisation de l'internet et inhibe la libération culturelle que ce dernier permet. La plupart des internautes fréquentent quotidiennement une dizaine de sites web au plus et c'est sans doute ce qui y insère des réseaux sociaux capitalistes, car on a graduellement cru avoir besoin d'y lire nos proches, autant par intérêt que par voyeurisme, pour leur parler jusqu'au moment où s'y dérouleraient l'ensemble de nos relations sociales. Chaque site web ayant une interface légèrement différente, l'utiliser avec le niveau de confort d'une lecture universitaire implique d'y être familiarisé·e, ce qui en inhibe la découverte et le partage, tandis que n'importe quel autre protocole (comme IRC ou Gemini) laisse le client présenter les données, réduisant l'hébergement de nos emails à des questions politiques.

Fondamentalement le problème n'est donc pas le web mais notre manque d'éducation au numérique. Ce protocole n'est pas forcément conçu avec plus d'amateurisme que Gemini, mais le fait d'être pris pour l'ensemble de l'internet le met dans une position difficile. Sans doute la mauvaise foi avec laquelle Tim Berners-Lee a défendu son protocole auprès de la communauté Gopher peut-elle éclairer des intérêts économiques ou des raisons d'État dissimulés dans ce protocole même, mais nier l'intérêt réel d'un protocole d'applications dynamiques et de libre expression graphique serait aussi ridicule que sa défense bec et ongles, en dépit des situations de maltraitance engendrées. Éduquer les citoyen·nes à la diversité des autres protocoles et les rendre accessibles, notamment en les internationalisant, semble donc inévitable.

Or cette plasticité a permis l'association forcée de bases de données à des interfaces et donc la concentration d'utilisateur·ices en leur imposant des règles de communication de plus en plus problématiques. Rendant les comportements intègres possibles, mais subtilement plus coûteux que des comportements pulsionnels dégradant notre communication, nous réduisant à des produits vendus à des annonceur·euses publicitaires et faisant défiler docilement des publicités entrecoupées de publications dont on n'a rien à faire, mais présentées par des interfaces addictives, substituant l'intérêt pour le contenu à un intérêt pour le contenant, elles quantifient et raréfient artificiellement notre attention et donc celle de nos pairs pour en accroître artificiellement la valeur d'échange. Pour des personnes prenant leurs ordinateurs pour des portails web (et non l'internet comme une extension occasionnelle de leurs ordinateurs), soit les personnes n'utilisant pas Emacs, mettre en ordre leurs idées et dans les cas qui nous intéressent aller mieux est inséparable de leur publication, à moins d'utiliser un carnet et un stylo. Or l'attention étant raréfiée elle devient, pour ces personnes, en moyenne insuffisante pour leur besoin d'attention soutenue et sans jugement, ce qui les fait tomber dans cet ordre de phénomènes, comme le krash boursier de 1929, où des ressources sont présentées (artificiellement ou non) comme en moyenne insuffisantes aux besoins du peuple, ordre de phénomènes lié à la montée du fascisme, comme l'élection d'Adolf Hitler ou Donald Trump.

Au mode opératoire de l'extrême-droite, qui est de créer des névroses pour nous faire adopter des normes et des valeurs irrationnelles et pathologiques, comme la haine des immigré·es, s'oppose celui de la gauche, le camp social, le camp des travailleur·euses, qui n'a besoin que de dire la vérité à des esprits sains pour mettre fin au capitalisme et à toutes les formes d'asservissement qui sont invariablement précédées et accompagnées de prédation, l'asservissement d'une femme ex-victime de violences conjugales n'étant fondamentalement pas différent de celui d'un·e élève ou jeune adulte ex-victime de violences domestiques ou/et scolaires, a fortiori lorsque l'on se donne les moyens organisationnels de développer, d'aggraver, d'entretenir ces violences (c'est pour cette raison que la distinction entre un prédateur domestique et un milliardaire ne touche qu'à leurs caractères respectivement interpersonnel et organisationnel/systémique, s'agissant par exemple de la prédation de minorités ethno-raciales que l'on remarque assez facilement en regardant la télé ou en traversant une gare, ou handicapées concernant respectivement un pervers narcissique que j'ai hébergé, et un milliardaire comme Zuckerberg, Dorsey, ou Musk). L'internet étant un formidable outil de propagation d'informations et les trier étant la base de notre activité cognitive, nuire à ce tri, nuire à la libre concurrence des informations, nuire à la neutralité du net, nuire à sa décentralisation et enfermer ses utilisateur·ices dans des «jardins emmurés», c'est nuire au camp social, à la gauche; c'est nuire directement à la moitié des Français·es, auxquel·les il reste moins de 100€ le 10 du mois, bien qu'habitant dans la sixième puissance économique mondiale, parce que nos services publics sont en train d'être privatisés pour le compte de milliardaires ayant déjà fait privatiser ceux d'États africains, la France devenant donc, pour citer mon ancien propriétaire, un pays du tiers-monde.

De ce fait, des personnes ont voté pour l'extrême-droite à cause des réseaux sociaux, leur immaturité et leur impulsivité étant par ailleurs des effets de bord de différentes formes d'optimisation pour l'engagement (qui impactent également nos dépenses). Je connais de loin une femme ayant voté PCF au premier tour, puis, après avoir été culpabilisée par des militant·es LFI, Le Pen au second. Le lien avec les réseaux sociaux est renforcé par l'implication de militant·es LFI, alors que Mélenchon a par exemple remercié le 18-25 pour son engagement dans sa campagne présidentielle.

Les réseaux sociaux capitalistes ne sont donc pas seulement antagonistes aux valeurs de la gauche, ils représentent une mise en difficulté pratique. Nos organisations assimilent des personnes vulnérables et vulnérabilisées par les réseaux sociaux, qui veulent avant tout comprendre ce qui leur arrive, mais qui y ont développé des tendances à l’action impulsive, au coup d’éclat, sans tenir des comptes des conséquences (par exemple de la mise en danger de minorités). La transformation normative opérée par les réseaux sociaux capitalistes sur les individus peut les amener à avoir des comportements, en interne comme en externe, mauvais, malveillants, parfois de manière assumée et systématisée, « pour la cause ». Des conflits internes peuvent voir le jour concernant l’intégration d’utilisateur·ices de Twitter puisque certain·es membres y ont déjà été recruté·es et font partir des militant·es plus sérieux·ses.

Bref, à un mode de communication en ligne natif à l'internet, qui est de rendre les informations, la culture, les connaissances plus accessibles à travers l'automatisation (par exemple via les codecs vidéos), qui me paraît propre à la gauche, s'oppose la propagande de masse, désormais automatisée et participative, de l'extrême-droite. Les milliardaires ne s'intéressent qu'à leurs patrimoines et donc qu'à obtenir des baisses d'impôts et une force de travail moins protégée, plus malléable, plus flexible, moins coûteuse à entretenir, sans se préoccuper de préserver le capitalisme ou notre environnement comme système politique ou biologique : c'est pour cette raison qu'ils financent et relaient les campagnes de politicien·nes promettant toutes ces choses, dans un langage à peine codé (il reste à nous le faire accepter, c'est à ça que servent les médias bourgeois).

Gizmodo: Fascists Are Already Weaponizing Twitter's New 'Private Media' Rule

«”People who are not on Twitter associate the brand with harassment and cyber Nazis and deservedly so,” Michael E. Hayden, a senior reporter and spokesperson at the Southern Poverty Law Center, told Gizmodo. “Twitter knows that this feeling of constant conflict is what keeps people clicking. That's why they won't get rid of [conspiracy theorist] Jack Posobiec, who used them to spread Pizzagate, Macron Leaks, and Stop the Steal.“»

Il ne s'agit pas de blâmer la gauche pour avoir été prise en otage, comme les utilisateur·ices elleux-mêmes, les petits commerces, et les rédactions (de nombreux médias ayant, selon , coulé à cause de Facebook). Mais les réseaux sociaux capitalistes, comme les Gafams en général, sont en train de mourir à leur tour, à mesure que le marché numérique devient plus régulé et que la norme tend désormais vers une forme de méfiance à leur égard; une fenêtre d'opportunité se dessine donc à travers les réseaux sociaux associatifs, décentralisés et auto-hébergés. Aussi critiquables Mastodon et Pleroma soient-ils, ce ne sont que de premières implémentations, conceptuellement incomplètes et imparfaites, d'ActivityPub. Les prochaines étapes seraient :

  1. Pour les organisations qui ne l'ont pas encore fait, de maintenir une présence sur ActivityPub. Sans parler de Mobilizon, développé par Framasoft, Mastodon est nettement moins toxique que Facebook ou Twitter.
  2. De soutenir, humainement et financièrement, le projet Bonfire, une implémentation plus moderne d'ActivityPub.

Pluralistic: Tiktok's enshittification (21 Jan 2023) Mobilizon.org – reprenons le contrôle de nos événements Bonfire Bonfire Social – Open Collective

J'ai utilisé honk, honnêtement, jusqu'au moment où des Terfs ont repéré mon compte et où je me suis rendu compte que je ne pouvais pas les bloquer. Je n'ai aucun désir d'être lue par ces personnes, je me suis très vite rendu compte qu'elles avaient conscience de ce qu'elles faisaient, qu'elles y prenaient du plaisir, et que les éduquer était tout simplement hors de propos. J'ai déjà hébergé un pervers narcissique et je sais qu'il est inutile de tenter d'éduquer ou de faire éprouver de l'empathie à quelqu'un qui, pour les mêmes raisons, veut simplement prendre du plaisir en détruisant autrui : ielle tentera simplement de s'en servir contre vous, et c'est ce que ces personnes ont fait lors d'un échange d'environ une heure. Bref, j'ai supprimé mon serveur.

Mais c'était une expérience intéressante car je ne pouvais littéralement pas voir les favs, les partages, et les nouveaux·elles abonné·es. Le développeur, Ted Unangst, dit qu'il considère les abonné·es comme une distraction, et qu'il laisse à autrui la liberté et la responsabilité de s'abonner ou/et de se désabonner comme ielle le souhaite.

J'ai donc maintenu un journal sur Gemini, et… les gens le lisent, en réalité, pourvu qu'ielles en entendent parler (d'où l'intérêt de mon microblog, à ce moment-là). Au total, une dizaine de personnes environ a répondu à mes billets de blog, souvent avec intérêt, parfois avec agacement ; cette expérience a été très instructive sur ce que j'appelle les notifications parasites (par simple référence à la qualité d'un bruit de fond sur un signal électrique, que l'on nomme « parasite ») : premièrement car faute de mieux, il est facile de prendre des favs et des partages pour son réseau social. On ne se construit pas un réseau social avec des messages de 500 caractères.

En particulier, c'est avec honk que je me suis rendu compte qu'un message de microblog idéal était agréable, léger, immédiatement compréhensible et oubliable sans conséquences pour l'avenir. Ces messages sont mis bout-à-bout en une délicieuse expérience, sorte de bonbon sans diabète et dont la consommation se confond en réalité avec celle, « destruction par l'usage », du temps qu'il nous reste sur Terre. Ce qui correspond, dans mon cas, à huit années de perdues.

Bref, un « bon » message de microblog est conçu pour ne pas être durable. Ou alors, disons que c'est un type d'utilisation du microblog, puisque des personnes très compétentes y partagent des astuces, en sus de leurs podcasts, blogs, etc. : l'intérêt reste d'être lu·e et, éventuellement, de bénéficier de l'audience de son véritable réseau social, celui que l'on se crée avec les contenus que l'on partage, les actions hors-écran que l'on coordonne et pour lesquelles on peut demander un coup de main ponctuel, etc. Si Norden Gail était à ma connaissance la seule personne utilisant correctement Twitter comme outil de militantisme, c'est car elle ne prétendait pas piloter l'Aquarius, ni le maintenir à flot en partageant ses pots communs : seulement, forte de 20,000 abonné·es, elle mettait son audience à disposition de son propre réseau social, l'équipage du bateau, et plus globalement les militant·es défendant les droits humains.

À l'inverse d'une audience, le terme « réseau social » présuppose une relation et un engagement quelconque qu'il est à peu près aussi pertinent de tenter de discerner en la faisant cliquer sur des boutons qu'en lisant des feuilles de thé. Un réseau social, ce sont des personnes sur lesquelles on croit pouvoir compter, ce qui me paraît impossible, pour de nombreuses raisons, concernant de simples likes et partages. Je ne me vois pas contacter un·e abonné·e ayant liké et partagé plusieurs de mes posts pour lui faire part d'un projet de coopérative de services numériques libérateurs, même si je la savais fiable et compétente, car il n'y aurait strictement aucune relation pré-existante ; que des libristes me trouvent intéressante, déconcertante, ou juste pénible, au moins ces personnes pensent quelque chose de plus de ma personne que d'un emballage de bonbon.

Il ne s'agit pas d'une sorte de méritocratie où seules les personnes dignes de ce nom me mentionneraient (sur quels critères ?), donc n'hésitez pas à me répondre, à réagir à mes billets de blog, à les critiquer, etc. Si vous me mentionnez, je peux m'abonner à votre compte et m'intéresser à ce que vous publiez ; de même, mon réseau social s'étend lorsque des abonné·es partagent mes billets, mais consulter mes statistiques sur une base quotidienne me fait plus de mal que de bien, donc je ne m'en rendrai probablement pas compte. Pour être totalement honnête, il y a un profil de personnes qui n'ose pas mentionner ses abonnements, parfois comme ce fut mon cas car elles sont maintenues en situation d'échec par le logiciel avec lequel elles m'envoient des notifications, et elles devraient à mon humble avis identifier les besoins auxquels répond le microblog pour trouver des substituts qui ne les empêchent pas de se développer, ou au moins essayer de tels substituts (comme une tilde ou Org-roam), de premiers signes encourageants étant apparus dans mon cas en quelques jours. Je m'intéresse à ces personnes, comme vous pouvez le voir je pense à elles en écrivant ce billet, seulement je n'ai aucun moyen de savoir si elles sont fiables ou non si elles ne me mentionnent pas, sachant que je ne m'éclaterais pas, même si je voyais leurs notifications, à vérifier leurs profils ; dans tous les cas je ne pense absolument pas que vous devriez me mentionner pour appartenir à ce groupe qui a pour spécificité de ne pas oser le faire. Dans ce cas de figure, bien que des personnes faisant partie de mon réseau social puissent évidemment partager ou liker mes publications sans me mentionner, vous ne l'intégreriez pas de cette manière – pas parce que vous ne le « mériteriez » pas mais parce que je ne verrais pas la notification et que même si je la voyais, je ne prendrais pas la peine d'examiner votre profil pour vérifier si je peux compter sur vous.

Le réseau social n'est pas une propriété immanente au microblog : il se construit en apprenant et en faisant, et c'est ce qui donnera envie à autrui d'apprendre et de faire avec vous !

Le mot « microblog » est souvent compris comme un terme marketing dissimulant la nature d'un service web n'étant en réalité qu'une régie publicitaire. On doit donc le définir pour en dire quelque chose.

Le terme « microblog » peut renvoyer à twtxt, un service de formattage d'un fichier texte où chaque message représente exactement une ligne. Le fichier texte est ensuite partagé quelque part sur l'internet (gopher, gemini, le web).

Il peut également renvoyer à micro.blog, un service de blogs et de microblogs propriétaire fédérant avec d'autres services via l'IndieWeb. Je ne l'ai pas testé mais il me semble avoir une bonne réputation.

La forme de microblog la plus connue reste Twitter, et après elle, Mastodon. Ce qui me dérange le plus avec ces services est qu'ils envoient des notifications quand d'autres utilisateur·ices partagent ou « likent » nos messages. Même si dans certains usages on peut « liker » quelqu'un sans avoir l'énergie de lui répondre qu'on aime son message avec des mots, concernant la réponse à une publication partagée à un ensemble assez vague d'abonné·es, surtout dans le cas que je présenterai aujourd'hui, cet usage me paraît antagoniste avec la poursuite d'études, notamment lorsque l'on vient de milieux populaires.

Je ne présume pas que le handicap de personnes « likant » un message par manque d'énergie/de cuillères se recouperait avec des situations d'échec, c'est notamment le rôle des aides à l'autonomie ; en revanche je pense que cet usage est minoritaire par rapport aux difficultés scolaires créées aux enfants des milieux populaires comme à d'autres élèves fragiles psychiquement, voire handicapé·es. Je suis persuadée, et je tenterai plus tard de le développer de manière plus convainquante, que les réseaux sociaux défont tout ce que l'école tente de faire. Ils font bien baisser le niveau scolaire, leur nature prédatrice, donc d'identification et de ciblage, mais encore de vulnérabilisation de populations plus ou moins massivement vulnérables, en étant une cause essentielle (sur la vulnérabilité de masse, cf. Castel, « Les métamorphoses de la question sociale », 1995).

L'idée essentielle la voici : les notifications pour des « likes » et des partages sont une forme de commentaires parasites ; or les commentaires parasites sont une forme de manipulation (plus ou moins consciente). Plus on y accorde de crédit, plus le modèle général nous échappe, qu'il s'agisse de notre comportement, d'une pratique artistique quelconque, ou de telle analyse sociologique (professionnelle ou amatrice). Ces commentaires parasites sont donc une technique de manipulation et de domination visant à nous maintenir dans une sorte de minorité cognitive et pratique (que les pratiques diminuées soient liées à des activités créatives ou à la vie domestique).

Mais ce mode de commentaire répond souvent lui-même, inconsciemment, à une situation d'échec. Il peut être chargé de la jalousie infantile de voir un instrument populaire autant apprécié, dans une école bourgeoise, que la pratique d'un instrument bourgeois résultant de nombreuses répétitions, mais il s'agit alors toujours d'un sentiment subjectif d'échec. Par ailleurs le microblog (mais les groupes Facebook remplissent bien cette fonction) peut être une réponse facile à des situations d'échec qui peuvent parfois n'y avoir rien à voir, il peut alors s'agir d'un sentiment de fatigue ou de difficultés à gérer son sommeil, etc. Les notifications parasites (« likes », partages, etc.) et les usages du microblog visant à en obtenir en réaction à une situation d'échec ont également en commun d'être basés sur peu ou quasiment rien : je crois vraiment que la plupart des utilisateur·ices d'ActivityPub (le protocole de fédération de Mastodon) font généralement beaucoup avec peu, et notamment du neuf avec du vieux. Ces personnes ne sont pas seulement en situation d'échec, elles sont maintenues en situation d'échec par le protocole ActivityPub, qui permet, contrairement au protocole Diaspora*, ce que j'appelle faute de mieux une surstimulation, un bombardement de nos sens, en l'occurrence par la possibilité de liker chaque message et chaque commentaire, et donc l'attente de voir au moins quelques messages likés/partagés à chaque reconnexion (si ce n'est pas le cas, il s'agirait de les obtenir ex nihilo, en faisant des commentaires parasites sur n'importe quel sujet).

Les notifications pour des « likes » et des partages sont donc de même nature que les messages que l'on publie pour les obtenir. Dans tous les cas, ce sont des contenus « pathogènes », ou pour le dire autrement générateurs de dispositions qui ne peuvent qu'être nocives (à moins de développer des stratégies pour lutter contre). S'abonner à des comptes par une sorte de devoir de loyauté politique ou amicale, c'est donc accepter leurs normes sociales soit pour le dire autrement tenter de publier comme leurs propriétaires et donc se contenter de situations d'échec.

La moindre des choses serait de ne pas dépendre du microblog pour répondre à des besoins, qu'il s'agisse de socialiser ou de structurer ses idées : on a IRC et XMPP, voire Discord pour ce premier usage, et Emacs, org-roam, Denote, Logseq pour le second. Car il va de soi que si l'on en dépend pour des tâches quotidiennes, alors on sera amené·e à s'en servir presque par devoir et donc à s'exposer à des situations d'échec. C'est une démonstration un peu abstraite et j'ai moi-même eu le plaisir de découvrir certains aspects ne me concernant pas personnellement, mais j'ai parlé avec de nombreuses personnes ayant comme moi le sentiment de réussir malgré le microblog et mes difficultés se sont débloquées par paliers à chaque fois que j'essayais de nouveaux outils. À leur lumière, il convient d'examiner son usage du microblog et de savoir s'il nous sert réellement à quelque chose.

Tildeverse Tilde.Chat Un bouncer à prix libre

XMPP Chapril

Logseq Org-mode Planet Emacslife

Comme je l'ai dit, les jeunes de milieux populaires et handicapé·es sont déjà mis·es en échec par l'Éducation nationale. Je caresse le maigre espoir de la création d'un organe centralisé à même de résoudre ce problème connu depuis les années 60, mais ce que j'essaie de démontrer est que l'usage du microblog pour répondre à une situation d'échec non seulement l'accentue, mais la rend acceptable, « suffisamment satisfaisante » pour l'utilisateur·ice. Cela fait partie d'un ensemble de dispositifs, comme le fait de devoir cliquer sur une image (tronquée verticalement) pour l'afficher en entier, qui comme par hasard aggravent les dépressions et peuvent y faire plonger des personnes déjà vulnérables. Pour toutes ces raisons, défendre les notifications parasites car on a lu quelqu'un un jour dire qu'ielle s'en servait car ielle n'avait pas l'énergie d'écrire une réponse est hypocrite et revient à peu près à défendre le travail des enfants car « au moins ielles ont quelque chose à manger » – dans les deux cas, on peut envisager que cette personne n'a pas l'énergie de répondre notamment car elle utilise un microblog, de même que ces enfants ont besoin de travailler pour survivre notamment parce que le capitalisme ne leur laisse pas d'autre choix que de travailler pour se nourrir.

En bref, le microblog, c'est-à-dire dans l'optique de ce billet les notifications parasites, accentue les inégalités sociales face au travail, ou pour le dire autrement augmente le taux d'échec (déjà endémique) des enfants des milieux populaires à l'école.

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